Jonas Kaufmann, ténor
dimanche 21 novembre 2010
Le jour et la nuit (Jonas Kaufmann, "Die schöne Müllerin" - Théâtre des Champs-Elysées, 14 octobre 2010)
Jonas Kaufmann, ténor
mardi 26 octobre 2010
Un bel élan (Orchestre de Paris, dir.Paavo Järvi - Vadim Repin - Salle Pleyel, 13 octobre 2010)
- Orchestre de Paris
- Paavo Järvi : direction
- Vadim Repin : violon
PROGRAMME
- Paul Dukas
- L'Apprenti sorcier
- Dmitri Chostakovitch
- Concerto pour violon n°1
- Entracte
- Sergueï Rachmaninov
- Symphonie n° 2
Envoûtant (Passion, Théâtre des Champs-Elysées, 10 octobre 2010)
Sasha Waltz création chorégraphique, mise en scène, décors
dimanche 17 octobre 2010
Et Harteros dompta le public (Otello de Verdi en version de concert, dir.Daniel Harding - Théâtre des Champs-Elysées, 9 octobre 2010)
Daniel Harding direction
Franco Farina Otello
Anja Harteros Desdemona
Franco Vassallo Jago
Alexey Dolgov Cassio
Christina Dalestska Emilia
Emanuele Giannino Rodrigo
Stanislav Shevts Lodovico
Giovanni Guagliardo Montano / Herold
Mahler Chamber Orchestra
WDR Rundfunkchor Köln
Les Petits Chanteurs de Strasbourg - Maîtrise de l'Opéra national du Rhin
------------------------------------------------------------
Curieuse soirée que cet Otello de Verdi, en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées. Le public était particulièrement dissipé, et à vrai dire pénible, dès l'annonce du remplacement de dernière minute de Ben Heppner par Franco Farina, immédiatement suivi de murmures de mécontentement, jusqu'à l'accueil du ténor américain, chahuté comme rarement, en passant par des toux à chaque nuance piano ou chaque silence, et quelques huées adressées au chef au retour de l'entracte...Il y avait meilleures conditions pour apprécier une version de concert qui, pourtant, ne manquait pas de qualités et ne méritait pas, loin s'en faut, un tel accueil.
Premier visé par le public: Franco Farina, qui a eu le mérite premier de sauver cette soirée de l'annulation, et mérite d'être salué à ce titre. Si les ans ont irrémédiablement passé sur une voix devenue très raide, parfois pénible à écouter (sur certains aigus très droits, avec un timbre par moment ingrat), la performance n'est pas non plus indigne, le personnage existe, ivre de douleur et de jalousie, et certaines nuances (à la fin du duo du I, dans ses deux monologues à l'acte III puis à l'acte IV) font naître une émotion certaine, rendent la blessure du personnage plutôt crédible. Pas de quoi sauter au plafond, certes, mais pas de quoi inonder le chanteur de huées comme ça a malheureusement été le cas.
Deuxième visé par le public, seulement à l'entracte: Daniel Harding, à la tête du Mahler Chamber Orchestra. Est-ce le souvenir de ses Mozart à Aix? La mauvaise réputation créée par le bouche à oreille? Le conservatisme rigide des afficionados de Verdi qui ne le considèrent pas comme un chef verdien? La doxa en vogue qui veut qu'on mesure la qualité d'un chef d'orchestre au nombre de décibels et au tempo adopté? Il me semble personnellement, qu'il s'agit davantage d'une de ces explications possibles, que d'un jugement sur la prestation de ce soir-là. Si Harding privilégie parfois le pointillisme interprétatif (relevant un peu artificiellement tel ou tel détail d'orchestration), il n'en abuse pas là, et si sa direction manque parfois légèrement de théâtralité (lors du duo Otello-Iago qui conclue l'acte II par exemple), elle n'en est pas moins centrée sur le drame, et évolue au fil de l'oeuvre vers une densité impressionnante. La tempête initiale n'est pas un ouragan qui dévaste tout sur son passage, mais la mise en valeur des différents plans musicaux, de l'orchestration prodigieuse de Verdi, est tout aussi intéressante. Quel tapis sonore pour l'arrivée de Desdémone à la fin de l'acte II! Quels phrasés fabuleux lors de la grande scène de cette même Desdémone à l'acte IV, quelle concentration, quelle tenue! Harding a l'immense mérite de renouveler notre écoute d'Otello, nous rappelant combien la partition doit à Wagner, à Berlioz, et même à Schumann. Si ce n'est pas forcément "idiomatique" (mais qu'est-ce qui l'est?), c'est fascinant, de bout en bout, et de plus en plus.
Heureusement, quelqu'un a su mettre tout le monde d'accord au cours de cette soirée: Anja Harteros qui impose une Desdémone absolument idéale, anthologique même (n'ayons pas peur des mots!), marquée du sceau de l'évidence. Dès sa première phrase ("mio superbo guerrier", comme si elle s'adressait à la salle entière), un personnage est dessiné, bouillonnant de féminité, d'ardeur juvénile qui peu à peu va céder à un mûrissement précoce, à mesure qu'elle comprend la folle jalousie dans laquelle s'enferme son mari. Du grave à l'aigu, la voix est belle, ample, homogène, à aucun moment on a l'impression que la chanteuse force des moyens impressionnants, le sens du phrasé est absolument magnifique, et quelle émotion elle sait mettre dans son chant! La scène de l'acte IV, avec la chanson du saule et l'Ave Maria, est un pur moment de grâce, qui réussit enfin à faire taire les catarrheux de la salle! Un des trop rares moments où le temps paraît comme suspendu, et où le spectateur est suspendu aux lèvres de la chanteuse, qui tire les larmes par sa noble résignation, ses piani jamais détimbrés, son abandon. Longtemps on se souviendra du "ah! Emilia, addio" qu'elle lance, désespérée, ainsi que de la note filée qui conclut souverainement l'Ave Maria: moments qui font aisément oublier les quelques effets véristes légèrement déplacés lors de sa mort. Une ovation immense, à la mesure de la chanteuse qui est décidément plus qu'à suivre, et surtout à la mesure de sa performance du soir.
En Iago, on se réjouit d'avoir un baryton aussi cultivé et bien chantant que Franco Vassallo, qui commence tambour battant avec une chanson à boire que l'on n'a jamais vu chantée de la sorte, avec la aigu, s'il vous plaît! Le personnage ne tire pas vers l'histrionisme, on sent un Iago humain, trop humain, qui n'est jamais un monstre. Malheureusement, certaines pages (dont le célèbre "Credo") le mettent quelque peu en difficulté, tirant un peu son aigu, à court de grave aussi, écrasant quelque peu ses voyelles...Une très belle prestation tout de même, avec un récit "Era la notte" suggestif et sur le fil, ou un "Ecco il leone!" plein d'amère ironie envers Otello.
Autour de ce trio, des seconds rôles bien distribués, mentionnons le Cassio juvénile et enthousiaste d'Alexei Dolgov, ainsi que l'Emilia extrêmement émouvante de Christina Dalestska. Le choeur de la WDR Rundfunk Köln est quasi-irréprochable, d'impact comme d'homogénéité.
Une soirée passionnante à plus d'un titre, qui nous fait regretter l'absence actuelle d'un très grand titulaire d'Otello pouvant évoluer à la hauteur de cette Desdemona!
Nono décalée (Nono, Théâtre de la Madeleine, 7 octobre 2010)
Avec
Julie Depardieu
Michel Fau
Xavier Gallais
Brigitte Catillon
Sissi Duparc, Roland Menou,
Davy Vetter
Mise en scène de Michel Fau
Costumes, David Belugou
Décors Bernard Fau,
Lumière Joël Fabing
Maquillages Pascale Fau
------------------------------------------------------
Un décor de carton-pâte (Bernard Fau), de magnifiques costumes Belle Epoque (David Belugou), des lumières crues (Joël Fabing)...A première vue, en faisant un "instantané" sur ce que l'on voit sur scène, on pourrait se croire à la création de l'oeuvre, tout au moins dans une reconstitution! Il n'en est rien, et c'est tout le talent de Michel Fau, qui met en scène et se met en scène, d'utiliser un cadre "classique" pour mieux en jouer, pour mieux le détourner, le malmener même (certaines entrées et sorties), et le confronter à un jeu décalé.
Tout est bien ficelé dans cette pièce écrite par un Guitry de 19 ans: l'intrigue, les dialogues, avec leur dose d'impertinence et de mysoginie. Nono, cocotte entretenue par Jacques, est confiée à son meilleur ami Robert, qui en tombe évidemment amoureux, part avec elle, et est lui-même poursuivi par son (ancienne?) amante Madame Weiss. Les retrouvailles de tout ce petit monde donneront lieu à des situations cocasses, comme on peut l'imaginer. Sous une intrigue simple, qui respecte totalement les canons du vaudeville (A aime B qui aime C qui est aimée par D, etc.), affleure un questionnement sur la femme-fantasme, la liberté, le rapport à l'argent...
En effet, Nono est-elle simplement une cocotte écervelée, ou sait-elle parfaitement ce qu'elle fait? C'est tout le talent de Julie Depardieu qui se déploie devant nous, mélange de naturel et de sophistication, de légèreté et de volonté, d'inconscience et de conscience...qui d'autre pour faire croire à une personnalité si insaisissable? A ses côtés, Michel Fau sculpte le texte avec le phrasé musical qu'on lui connaît, donnant l'illusion de ne pas jouer, mais jouant constamment, et renouvelant son jeu en permanence. Xavier Gallais est irrésistible d'élan juvénile, et Brigitte Catillon en amante contrariée, grande dame constamment au bord de la vulgarité, est parfaite. La distribution est parfaite jusque dans ses petits rôles, avec Roland Menou, serveur devenu majordome à la gestuelle incroyablement individuelle, Sissi Duparc, toujours aussi désopilante, et le prometteur Davy Vetter, grimé comme un mort, qui fait une entrée remarquée. A cet égard, les maquillages outranciers de Pascal Fau sont remarquables.
D'où vient une (très très) légère sensation d'inachevé? Personnellement, je l'ai ressentie dans la trop grande hétérogénéité des jeux de chaque comédien: du faussement naturel (Julie Depardieu) au naturel sophistiqué (Michel Fau), au décalé (les petits rôles), en passant par du très théâtral (Xavier Gallais) et du très sobre (Brigitte Catillon), une palette impressionnante (trop grande?) de façons de jouer est sous nos yeux. C'est très certainement une volonté du metteur en scène, de demander à chacun d'aller plus loin dans sa direction...mais du coup, comment ces personnages peuvent-ils se rencontrer, interagir de façon non-artificielle, non plaquée? Nous atteignons peut-être les limites du "tout décalé". Pour autant, cette Nono au théâtre de la Madeleine est un délicieux moment.
Gogol on ice (Le Mariage, Théâtre de la Ville, 30 septembre 2010)
Valery Fokine
décor, costumes
Alexandre Borovsky
musique
Léonide Dessiatnikov
direction musicale, assistant à la mise en scène
Ivan Blagodeur
lumières
Damir Ismaguilov
chorégraphie
Alexey Mirochnitchenko
assistant réalisateur
Ludmila Philippova
Julia Martchenko, Kira Kreylis-Petrova, Maria Kouznetsova, Igor Volkov, Dimitri Lyssenkov, Pavel Yourinov, Andrey Matukov, Valentin Zakharov, Galina Legorova, Julia Sokolova, Arkady Volguine, Sviatoslav Tcherechnitchenko, Ivan Parchine
vendredi 15 octobre 2010
Un grand concert (Orchestre de Paris, dir.Christoph von Dohnanyi; Martin Helmchen; Salle Pleyel, 29 septembre 2010)
- Orchestre de Paris
- Christoph von Dohnányi : direction
- Martin Helmchen : piano
PROGRAMME
- Jörg Widmann
- Con brio hommage à Ludwig van Beethoven création française
- Anton Dvorák
- Concerto pour piano
- Entracte
- Ludwig van Beethoven
- Symphonie n° 3 "Eroica"
Trop doux et trop intime? (L'Enfance du Christ - Salle Pleyel, 28 septembre 2010)
- Ensemble Orchestral de Paris
- Accentus
- Maîtrise de Paris*
- Laurence Equilbey : direction
- Vesselina Kasarova : mezzo-soprano
- Paul Groves : ténor
- Laurent Naouri : baryton-basse
- Matthew Brook : baryton
- Patrick Marco : chef de choeur*
Così fan tutti i cantanti? (Così fan tutte, version de concert, dir.René Jacobs - Salle Pleyel, 27 septembre 2010)
- Freiburger Barockorchester
- Coro Gulbenkian
- René Jacobs : direction
- Alexandrina Pendatchanska : Fiordiligi
- Marie-Claude Chappuis : Dorabella
- Sunhae Im : Despina
- Johannes Weisser : Guglielmo
- Magnus Staveland : Ferrando
- Marcos Fink : Don Alfonso
Enfin prophète en son pays? (Orchestre de Paris, dir.Bertrand de Billy - Salle Pleyel, 22 septembre 2010)
- Orchestre de Paris
- Bertrand de Billy : direction
- Susan Graham : mezzo-soprano
PROGRAMME
- Anton Webern
- Im Sommerwind
- Ernest Chausson
- Poème de l'amour et de la mer
- Entracte
- Henri Dutilleux
- Mystère de l'instant
- Robert Schumann
- Symphonie n° 4
--------------------------------------Cette soirée du 22 septembre promettait une rencontre assez intéressante entre une phalange entrant dans une nouvelle ère, et un chef français bien plus connu et apprécié à l'étranger, à Vienne notamment, que dans son propre pays. La rencontre n'allait pas décevoir, bien au contraire, si bien que l'on peut raisonnablement se poser la question suivante: comment la France peut-elle aller jusqu'à ignorer l'existence d'un tel talent?En une soirée, il fallait également que Bertrand de Billy se décrive, avec un programme lui correspondant: tour à tour viennois (Webern), français (Chausson, Dutilleux), allemand (Schumann), surtout moderne ET contemporain.Dès les premières notes pianissimo de Im Sommerwind, de Webern, on admire cette extrême précision, cette concentration de chaque instant, l'importance donnée à la transparence orchestrale, notamment du côté des cordes, ce sens de l'architecture d'une pièce, et ce style si viennois, dans les accentuations, les phrasés, les couleurs.Le tour de force continue dans le magnifique Poème de l'amour et de la mer de Chausson, où les vagues orchestrales s'entremêlent avec la magnifique voix d'une Susan Graham en pleine forme. La voix est insolente, magnifiquement projetée, le texte est compris et intégré de la façon la plus intelligente qui soit, et le sens du phrasé fait le reste. Sur un tapis sonore luxueux voire luxuriant (il faut voir la façon dont de Billy relance les phrases où l'orchestre est seul), l'émotion naît quasi automatiquement, pour culminer dans un dernier volet, "la Mort de l'amour", jusqu'au boutiste et nostalgique. La salle salue la performance d'une ovation méritée pour les deux principaux protagonistes.Bertrand de Billy a beaucoup fréquenté l'oeuvre de Dutilleux, donnant notamment à Vienne une intégrale de ses oeuvres pour orchestre. Le moins que l'on puisse dire, est que cela s'entend immédiatement dans ce merveilleux Mystère de l'instant, enchaînement de dix pièces, qui sont autant d'"instantanés" dans l'atelier de l'artiste, d'esquisses. Là encore, la précision, la concentration, l'élan sans aucune affectation, la poésie, la finesse, sont au rendez-vous.L'exécution de la symphonie n°4 de Schumann m'a légèrement laissé sur ma faim. Force est de constater que l'orchestre est une nouvelle fois magnifiquement en place, la direction extrêmement précise et affûtée, l'équilibre des plans sonores parfait...Mais...A mon sens, le parti-pris frise le contre-sens. Tout d'abord, Bertrand de Billy dirige par coeur, en souriant, ce qui me paraît difficilement conciliable avec l'atmosphère pesante, tendue, de cette symphonie, dont seul le dernier mouvement surnage d'une inquiétude sourde. Ensuite, les tempi adoptés me paraissent trop rapides, ne laissant justement pas le temps à l'inquiétude et à l'émotion d'affleurer. Enfin, le dernier mouvement est prétexte à une démonstration de virtuosité orchestrale certes assumée et réussie (la "strette" finale est éblouissante), mais on se demande ce qu'elle vient faire dans une musique aussi profonde que celle de Schumann, dont ce n'est à mon sens pas le propos. Qu'à cela ne tienne, cela déclenche les acclamations du public, et me laisse à la fin de ce concert sur un sentiment d'inachevé, car tout était indiscutablement magnifique avant ce Schumann où la mariée était trop belle!