mercredi 22 septembre 2010

La griffe Järvi (Orchestre de Paris, dir.Paavo Järvi - Salle Pleyel, 15 septembre 2010)




Orchestre de Paris - Paavo Järvi - Soile Isokoski - Juha Uusitalo

Choeur de l'Orchestre de Paris - Choeur national d'hommes d'Estonie

mercredi 15/09 2010 20:00 jeudi 16/09 2010 20:00

  • Orchestre de Paris
  • Choeur de l'Orchestre de Paris
  • Choeur National d'hommes d'Estonie
  • Paavo Järvi : direction
  • Soile Isokoski : soprano
  • Juha Uusitalo : baryton-basse
  • Andrus Siimon : chef de choeur

PROGRAMME

  • Paul Dukas
  • La Péri poème dansé pour orchestre
  • Entracte
  • Jean Sibelius
  • Kullervo
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Certains mélomanes, dont moi-même, étaient très curieux de ce premier concert de la nouvelle saison de l'Orchestre de Paris, pour deux raisons principales: le chef et le répertoire.
Un changement de chef, cela augure d'un nouveau style, d'un nouveau son, d'une nouvelle façon de procéder, d'un nouvel élan (on l'espère), et il était particulièrement intéressant d'assister à ce concert pour voir si l'orchestre de Paris, aux pupitres talentueux mais à l'ensemble réputé récalcitrant, avait (déjà) changé. Première constatation: le (grand) public n'a, hélas!, pas répondu présent, et c'est toujours triste de voir un concert d'ouverture de la saison d'un orchestre, se dérouler devant une salle clairsemée.

Le moins que l'on puisse dire est qu'il existe déjà une "griffe" Järvi. Dès la fanfare de La Péri, on s'en rend compte: à l'épaisseur toute germanique et à la densité inégale de la direction d'Eschenbach, succède une volonté de transparence, une clarté du geste, une sobriété, une humilité devant la musique. Le changement s'opère également dans un répertoire qui, par affinité et par culture, va un peu plus au Nord de l'Allemagne et retourne un peu plus en France. Le programme de ce soir-là était donc idéal à cet égard.

Je ne peux ni n'ai la prétention de tirer un bilan définitif du mandat de Järvi à l'issue de ce concert, mais il me semble d'ores et déjà saisir quels en seront les mots-clés: transparence, discipline (un orchestre très en place), humilité, clarté, éclectisme, couleurs, régularité (contrairement au mandat précédent, qui voyait alterner concerts de très haute facture et temps plus faibles). Il est déjà assez étonnant de constater combien Paavo Järvi a déjà imprimé sa marque sur un orchestre qui a contesté plus d'un chef. La Péri lançait parfaitement le concert, avec une clarté d'élocution, une recherche de sonorités très françaises (transparence, coloration, subtilité), et un savant mélange de liberté (dans les rythmes dansants) et de fidélité à la partition. Ensuite, ce fut, certainement pour beaucoup de personnes dans le public, la découverte de Kullervo, ambitieux poème symphonique de Sibelius, véritable épopée finnoise, histoire d'inceste entre un frère et une soeur, interprétés magnifiquement par Juha Uusitalo (avec ce qu'il faut de vulgarité et de brutalité) et Soile Isokoski (frémissante, fragile et féminine), soutenus par un magnifique choeur, mélange de celui de l'Orchestre de Paris et du Choeur d'hommes d'Estonie. Une épopée magistralement racontée, peut-être même trop racontée et pas assez vécue (on eût aimé davantage de théâtre, d'explosions...), où l'on voit déjà en germe les futurs poèmes symphoniques "nationaux" du compositeur.

Un concert d'ouverture réussi et prometteur.





Début en fanfare, mais pas seulement (8ème symphonie de Mahler, dir.Valery Gergiev - Salle Pleyel, 8 septembre 2010)





Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg - Valery Gergiev

mercredi 08/09 2010 20:00

  • Orchestre du Théâtre Mariinsky
  • Choeur du Théâtre Mariinsky
  • The Choir of Eltham College
  • Valery Gergiev : direction
  • Viktoria Yastrybeva : soprano
  • Anastasia Kalagina : soprano
  • Lyudmila Dudinova : soprano
  • Nadezhda Serdyuk : mezzo
  • Zlata Bulycheva : mezzo
  • Sergei Semishkur : ténor
  • Vladimir Moroz : baryton
  • Vadim Kravets : basse
  • Andreï Petrenko : chef de choeur
  • Marina Mishuk : chef de chant

PROGRAMME

  • Gustav Mahler
  • Symphonie n° 8 "Symphonie des mille"
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Pour lancer une saison définitivement placée sous le signe de Mahler (nous sommes trop paresseux pour faire le compte exact des concerts et intégrales Mahler à Paris), quoi de plus exaltant et de plus risqué aussi que de commencer par la symphonie n°8 dite "des mille"? Exaltante, cette oeuvre l'est, par ses dimensions pharaoniques, son orchestration volumineuse, la présence d'un choeur immense, d'une multitude de solistes et même d'un choeur d'enfants! En même temps, la part de risque est importante: comment faire tirer tout le monde (enfants, choeurs, solistes, orchestre) dans le même sens? Comment rendre justice à la volonté de Mahler d'embrasser à la fois le sacré (première partie sur le "Veni creator") et le profane (seconde partie sur le mythe de Faust), le terrien et le céleste, dans un geste épique et contrasté extraordinaire, le tout sans tomber dans le pompier?

Nos craintes, qui apparaissent dès les premières mesures, entamées tambour battant ("l'ensemble tiendra-t-il le rythme et le niveau d'intensité?"), sont très vite dissipées, car Valery Gergiev est décidément un maître du contre-pied. Là où on l'attend superficiel, il peut se révéler introspectif. Là où on l'attend pompier, il prend un plaisir fou à mettre en valeur le moindre détail, la moindre "accalmie" dans cette symphonie qui emporte tout sur son passage, le tout avec une hauteur de vue stupéfiante, et une théâtralité (qu'on lui connaît) impressionnante. L'orchestre du Mariinsky, qu'il a façonné, est le compagnon idéal pour le début de cette intégrale Mahler qui promet d'être passionnante: un son très homogène, une mise en valeur des couleurs chères au chef ossète, un gros travail sur les accents, la copie est (presque) parfaite. Si le choeur est parfois poussé à ses limites, il se sort incroyablement de tous les pièges de cette écriture impossible. Quant aux solistes, tous jeunes, ils voient émerger deux talents à suivre: la soprano Anastasia Kalagina, éblouissante de facilité, voix veloutée qui passe sans aucune peine l'orchestre rutilant, et le ténor Sergei Semishkur, à l'endurance et aux aigus impressionnants.

Une magnifique soirée de rentrée, qui lance idéalement une saison prestigieuse.