mercredi 30 décembre 2009

Incomparable Platée (Opéra Garnier, 27 décembre 2009)




On ne présente plus cette Platée de Jean-Philippe Rameau, véritable petit bijou, sorte d'OVNI burlesque dans une époque marquée par la "tragédie française", narrant l'histoire d'un cruel stratagème inventé par Cithéron pour calmer la jalousie de Junon envers son mari, Jupiter: ce dernier devra feindre un amour fou pour Platée, la "naïade ridicule" qui règne sur le marais voisin. Ce qui frappe dans cette oeuvre, c'est sa modernité: modernité du propos, de la parodie de tous les codes dramatiques de l'opéra français de l'époque, modernité de la musique également, où audaces rythmiques et harmoniques s'entremêlent joyeusement.




La production qui est reprise cette année à l'Opéra Garnier a énormément contribué à la popularité de ce petit chef d'oeuvre, et force est de constater qu'elle lui rend totalement justice! Il s'agit à mon sens de la meilleure mise en scène de Laurent Pelly, celle qui l'a manifestement le plus inspiré, et où il fait éclater son talent unique pour donner chair et vie à des créatures divines. Une mise en scène lisible, intelligente, colorée (de vert!), désopilante, virtuose, grinçante, jubilatoire, fourmillant de mille détails, où l'on ne s'ennuie pas une seule seconde...une mise en scène idéale, en somme, qui n'a pas pris une seule ride (on se pince pour croire qu'elle date de 1999). Il faut dire qu'elle est portée par toute une équipe qui ressuscite quelque peu l'esprit de troupe, autour du choeur et de l'orchestre des Musiciens du Louvre-Grenoble et de leur chef Marc Minkowski, qui connaissent cette production sur le bout des doigts et ont un plaisir très communicatif à la reprendre, mais aussi grâce à des danseurs défendant avec conviction une chorégraphie très alerte signée Laura Scozzi.


La distribution, si elle est inégale, est d'un bon niveau d'ensemble, dominée par la Folie...déjantée de Mireille Delunsch, dont l'air principal est un monument à lui tout seul, vocalement et surtout scéniquement. Quelle actrice absolument exceptionnelle, fascinante de bout en bout, et méritant les ovations de la salle! Une véritable bête de scène, en voici un exemple il y a quelques années:




Mention "excellent" aussi pour le Mercure magnifiquement chantant, intelligent et surtout très stylé de Yann Beuron, maîtrisant parfaitement la tessiture, ainsi que pour le Jupiter autoritaire et sonore de François Lis, qu'il me tarde d'entendre dans des rôles où il sera moins à l'étroit. Aimery Lefèvre campe un Momus très subtil, et fait valoir de belles qualités de timbre et de musicalité, ainsi qu'une aisance scénique tout à fait exemplaire. A contrario, Xavier Mas est (oui, c'est facile!) à la ramasse en Thespis dont il n'a ni les aigus, ni la tessiture, ni le style. Une erreur de casting, tout simplement, sans grosses conséquences tant le rôle est vite sacrifié.

Doris Lamprecht en fait peut-être un peu trop en Junon, quant à Judith Gautier, sa voix n'épargne pas au spectateur quelques acidités.

Mais c'est surtout l'incarnation du rôle-titre par Jean-Paul Fouchécourt qui divise: si la maîtrise du style, le jeu scénique, l'incarnation du personnage sont en tous points magnifiques, la voix ne suit pas toujours, elle se fait parfois dure, certaines vocalises ne sont plus très bien assurées. Cependant, il arrive au bout d'un rôle meurtrier, à la tessiture tendue, à l'écriture d'une variété inouïe, avec un métier qui force l'admiration. Nous avons bien devant nous toute la palette expressive du personnage, tantôt drôle, tantôt pathétique, la fin de cette cruelle fable étant d'autant plus saisissante que le personnage, tout comme le chanteur, est poussé à bout.


Un magnifique spectacle pour les fêtes de fin d'année, et enfin une reprise qui s'imposait vraiment!




Aucun commentaire: