dimanche 31 janvier 2010

Voici venir l'orage (Casimir et Caroline, Théâtre de la Ville, 21 janvier 2010)



L'action se passe à Munich, au début des années 30, au beau milieu d'une fête foraine. Casimir vient d'être licencié, craint que Caroline ne la quitte pour cette raison précise, alors qu'elle ne pense qu'à profiter des plaisirs de la fête. Les deux jeunes gens se séparent, mais continuent d'être amoureux. Cependant, tout va trop vite, comme ces montagnes russes de la fête foraine, l'Histoire avance à grands pas, l'on pressent la montée irrémédiable du nazisme, sur ce fond de crise économique, et les deux anciens amants se retrouvent ballotés, au gré des événements, des rencontres, ils se trouvent entraînés dans un engrenage qui leur échappe, et finiront par partir chacun au bras de quelqu'un d'autre. C'est cet "instantané" dans une période charnière que raconte si bien Ödon von Horvath, avec un langage très cru, violent, des phrases très courtes, traduisant bien l'impression de piège qui se referme sur toute une société, en particulier toute une génération. Car ces jeunes gens ne pensent qu'à s'amuser alors que l'orage s'approche...
Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, réussit à traduire magnifiquement cette impression d'enfermement progressif, avec de nombreuses trouvailles et images fortes: les projections de montagnes russes et les visages terrifiés, les deux tobogans parallèles, les scènes de foule avec des chansons rythmées qui ne sont pas sans annoncer les chants nazis, l'inquiétante foire où sont présentés des monstres humains, le cheval "wilsonien" sur fond rouge, qui n'est pas sans faire penser à l'Apocalypse, cet éclairage qui fait tout basculer dans la nuit, la scénographie écrasante, avec ces grands gradins en structures métalliques...Ainsi, le spectateur a l'impression d'assister à la dernière fête avant une longue période de ténèbres, à la dernière foire où tout est possible - Casimir a une chance de retrouver son emploi, Caroline de renouer avec Caroline, mais aussi de s'échapper avec Schürzinger...Dans la scénographie comme dans le texte, chaque tentative de trouver un échappatoire se trouve vouée à l'échec.
Elodie Bouchez campe une Caroline assez intéressante, intense, vibrante, avec ce mélange de (légère) vulgarité et de fébrilité qui sied parfaitement au personnage imaginé par Horvath. Si Thomas Durand (Casimir) agace au début par sa voix un peu anti-naturelle, il n'en est pas moins émouvant dans ce personnage de looser malmené par les événements. Deux autres comédiens sont à remarquer dans une équipe très bien dirigée, à la limite du "sur-jeu" par moments: Hugues Quester, Schürzinger hors du temps, désabusé, qui trouve en Caroline l'espoir d'un nouvel élan; et Sarah Karbasnikoff, Erna qui ose enfin se rebeller contre son ami violent, et trouve en Casimir un compagnon d'infortune.
Emmanuel Demarcy-Mota explique ici son (excellent) travail:

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