dimanche 7 février 2010

Pétillante Cenerentola (Théâtre des Champs-Elysées, 3 février 2010)




Michael Güttler, direction
Irina Brook, mise en scène

Noëlle Ginefri, décors
Sylvie Martin-Hyszka, costumes
Cécile Bon, chorégraphie

Concerto Köln
Choeur du Théâtre des Champs-Élysées

Antonino Siragusa, Don Ramiro
Stéphane Degout, Dandini
Pietro Spagnoli, Don Magnifico
Carla Di Censo, Clorinda
Nidia Palacios, Tisbe
Vivica Genaux, Angelina (dite Cendrillon)
Ildebrando D'Arcangelo, Alidoro

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Le dramma giocoso de Rossini mérite-t-il d'être traité comme une farce, un authentique opera buffa? La question partage les spécialistes après cette pétillante Cenerentola revue et corrigée ("abêtie" diront certains) par Irina Brook. Pour ma part, je ne bouderai pas mon plaisir d'avoir souri voire ri à de nombreuses reprises, assez séduit par la transposition opérée par la metteuse en scène. Mais peut-on parler de transposition quand il s'agit d'un conte? Après tout, toutes les visions différentes sont possibles. Celle d'Irina Brook se défend et est magnifiquement défendue.





L'action est située à New York, plus précisément dans le quartier de Little Italy. Don Magnifico, en bon italien qui se respecte, est supporter de foot. Ses deux filles, Clorinda et Tisbé, maltraitent leur demi-soeur, Angelina, qui est la serveuse, bonne à tout faire de la maison. Le "prince", Don Ramiro, est du coup un nouveau riche de New York, branché mais un peu "bling-bling", surtout lorsque son domestique Dandini se fait passer pour lui! On voit donc déjà que les rapports entre les personnages sont bien fouillés et pertinents, que leur interaction fonctionne parfaitement, notamment avec ce personnage d'Alidoro aux multiples facettes, se faisant passer pour un clochard, puis sorte de "Monsieur Loyal" qui tire les ficelles, ce qui est rendu de façon plutôt très intéressante à l'acte II, où il anime progressivement chaque personnage en leur donnant un accessoire. Les changements de décors s'effectuent rideau fermé, alors que la musique continue (air d'Alidoro au I, puis monologue de Don Magnifico au II), ce qui contribue à renforcer le caractère rythmé, enlevé, de cette mise en scène, si bien animée que l'on ne s'ennuie pas un instant. Le caractère "chorégraphique" de cette mise en scène, faisant du coup penser à certaines productions d'un Laurent Pelly, renforce ce rythme et la jubilation que procure cette musique. Evidemment, les esprits chagrins relèveront quelques "gags" un peu inutiles et répétitifs (Alidoro qui se cogne au mur, par exemple), un manque certain de poésie en "ravalant" ce conte de fée à un simple fait divers proche du monde de la télé-réalité, forcément de bas étage...Mais le fait est que l'on passe un bon moment, et n'est-ce pas le principal quand on va voir Cenerentola?

D'autant que les interprètes sont enthousiastes, concernés par cette production, et défendent merveilleusement l'oeuvre.
Dans le rôle-titre, Vivica Genaux déconcerte au premier abord par une émission bizarre, mi-pâteuse mi-laryngée, elle étonne par sa technique très particulière, avec des mouvements mandibulaires et labiaux très prononcés, mais sa technique, très personnelle, paraît souveraine et lui permet de se jouer des difficultés de ce rôle avec maestria, beaucoup de virtuosité et de goût dans les ornementations. De plus, elle est très concernée et impliquée dans la production.
Antonino Siragusa est bien plus appréciable dans une production où il n'a pas (trop) à cabotiner, que dans une reprise de routine, comme c'était le cas lors du récent Barbiere di Siviglia parisien. Il confirme toutes les qualités qui en font l'un des ténors rossiniens les plus recherchés du moment: virtuosité impeccable, moyens impressionnants pour ce type de ténor, sens des nuances assez fin, élégance du phrasé. Malheureusement, il ne peut s'empêcher, en bon ténor italien, de claironner des aigus un peu attaqués par en-dessous, pas tellement dans le reste de la ligne vocale, et "nasalise" par moments son timbre à outrance.
Ildebrando d'Arcangelo est extrêmement à l'aise scéniquement (Monsieur Loyal qui tire les ficelles et fait les pires bêtises l'air de ne pas y toucher, cela lui va si bien!) ainsi que vocalement, parfait dans ses phrasés, timbre homogène sur toute la tessiture, vocalisant magnifiquement...Seul petit bémol, une légère tendance à grossir et assombrir les sons, vers la fin de l'opéra.
Quant à Pietro Spagnoli, il impressionne par son abattage et son métier. S'il a une voix un peu claire et barytonnante pour le rôle qui est celui d'un basso buffo, au moins, contairement à certains de ses confrères, il chante, et très bien, tout du long, et fait preuve d'une vis comica assez irrésistible.
Stéphane Degout confirme jour après jour qu'il est un des chanteurs sur lesquels il faut compter. L'on connaissait le tragédien, magnifique Oreste notamment, Pelléas exceptionnellement émouvant, l'on découvre le comédien, à l'aise sur les planches et même hilarant. Vocalement, on sent, mais très légèrement, ce qui est une performance, que le répertoire rossinien n'est pas son terrain d'élection prioritaire. Ainsi, il allège son émission lors de son air d'entrée pour bien négocier les redoutables vocalises. Mais à aucun moment, il ne triche, et se sort avec brio d'un rôle qui sollicite les deux extrémités de la tessiture de baryton, mais don le centre de gravité nous semble un peu bas pour lui.
Pas grand chose à dire sur les deux soeurs, si ce n'est que Carla di Censo et Nidia Palacios s'acquittent parfaitement de leurs rôles de pestes, avec une belle voix fruitée pour la première, et une voix un peu trop acide pour la seconde - cependant, cela convenait plutôt idéalement au caractère du personnage!

A la tête d'un Concerto Köln bien sonnant, Michael Güttler fait preuve, comme à son habitude, de beaucoup d'élégance, de finesse toute mozartienne, respire et fait respirer les chanteurs à l'unisson. Beaucoup de vie dans cet accompagnement orchestral, beaucoup de bon goût aussi, et une tempête (temporale) très évocatrice à l'acte II.

Beau succès public (avec beaucoup de rires dans le public) pour cette Cenerentola superbement défendue.

Pour en voir un extrait (finale de l'acte I): http://www.theatrechampselysees.fr/media_player.php?m=7

1 commentaire:

Arnaud a dit…

Evviva Siragusa !!!