vendredi 15 octobre 2010

Trop doux et trop intime? (L'Enfance du Christ - Salle Pleyel, 28 septembre 2010)


  • Ensemble Orchestral de Paris
  • Accentus
  • Maîtrise de Paris*
  • Laurence Equilbey : direction
  • Vesselina Kasarova : mezzo-soprano
  • Paul Groves : ténor
  • Laurent Naouri : baryton-basse
  • Matthew Brook : baryton
  • Patrick Marco : chef de choeur*

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Représenter L'Enfance du Christ dans une grande salle de concert? L'idée est originale, déjà en soi, tant cette oeuvre hybride, oratorio d'un non-croyant né d'une supercherie faite aux critiques, recèle d'intimisme. Pour autant, la première partie, le Songe d'Hérode, fait parfois penser, par ses audaces harmoniques, son orchestration, la puissance de son évocation, aux plus grandes pages symphoniques de Berlioz. Mais c'est là que le bât blesse: comment représenter cette oeuvre dans un parti-pris intimiste sans que cela se perde dans la salle? Cela paraît impossible, et du coup, cette première partie puissante passe un peu à la trappe, perd beaucoup en chemin jusqu'à l'oreille de l'auditeur. On a le sentiment, au début, que l'orchestre, son chef, et les chanteurs, se cherchent un peu, à part Paul Groves, qui dès les premières notes, s'impose en Récitant formidablement éloquent, accentuant avec justesse tout ce qui doit être accentué, faisant prendre au texte une dimension élevée avec un français remarquable. A Laurence Equilbey manque ce sens théâtral qui fait les grands berlioziens. Ses armes sont tout autres: l'intériorité, le recueillement, la douceur. Du coup, le fameux songe n'est en rien terrifiant, avec un Laurent Naouri qui lui aussi peine à trouver ses marques.

Tout change avec l'apparition de Joseph et de Marie, et à ce moment, la douceur et l'intériorité voulues par la chef sont payantes: magnifique duo où les voix s'entremêlent pour bercer l'enfant Jésus. Heureuses surprises avec Vesselina Kasarova qui contient sa voix, son français, et leur donne des accents d'une humanité bouleversante; et Matthew Brook qui donne une élégance bienvenue à son Joseph. A partir de ce moment, on sent Laurence Equilbey bien plus à l'aise, sans pour autant être totalement convaincus: une légère impression de monotonie, voire d'ennui, envahit le spectateur. C'est peut-être le prix de la sérénité, qui ne paraît décidément pas de ce monde!

L'arrivée à Saïs est pourtant d'une justesse étonnante, avec un couple Joseph-Marie qui reste digne dans le malheur (et où Vesselina Kasarova ne parvient plus entièrement à masquer ses difficultés vocales, dans le bas-médium et le grave notamment), enfin accueilli par un père de famille magnifiquement sincère, Laurent Naouri retrouvé, bouleversant. Le choeur Accentus participe de cette bonne impression d'ensemble, avec une mise en place, une homogénéité quasi parfaites; mais il participe aussi de cette impression d'ennui, d'univocité, ce manque de contraste, qui "trahit" légèrement Berlioz et est "trahi" à son tour par les dimensions et l'acoustique de la Salle Pleyel. Les réserves tombent naturellement devant l'abandon serein de l'ensemble final, d'une humilité désarmante. Et l'on se prend à rêver d'une pareille représentation dans une belle église!

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