samedi 20 mars 2010

Le poids de l'héritage (Berliner Philharmoniker dirigé par Simon Rattle, Salle Pleyel, 27 février 2010)


  • Berliner Philharmoniker
  • Sir Simon Rattle : direction

PROGRAMME

  • Richard Wagner
  • Les Maîtres chanteurs - ouverture du 1er acte
  • Arnold Schönberg
  • Symphonie de chambre n° 1 (version pour grand orchestre)
  • Entracte
  • Johannes Brahms
  • Symphonie n° 2
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Dès les premières notes de l'ouverture des Maîtres chanteurs de Nuremberg, une chose frappe l'auditeur: malgré le travail de Claudio Abbado, maître de la transparence sonore, et celui, annoncé "iconoclaste", de son successeur Simon Rattle, on entend surtout le son...Karajan! Un son très puissant, imposant, extrêmement maîtrisé, épais, une architecture très carrée, une discipline collective absolue, une mise en place impressionnante, tout ce qui a fait la renommée du Berliner Philharmoniker sous la baguette du chef allemand! Certes, la partition le veut, mais on était extrêmement loin du Ring admirablement transparent exécuté au festival d'Aix-en-Provence les quatre dernières années.

Pourtant, certaines singularités de Simon Rattle pouvaient se distinguer: une tendance analytique encore plus poussée que Karajan (c'est dire!), culminant dans une Symphonie de chambre de Schönberg pour grand orchestre, incroyablement fouillée et nerveuse, chambriste d'esprit mais symphonique de corps; une plus grande souplesse des tempi, avec une sorte de rubato maîtrisé, de légers alanguissements repartant de plus belle; une mise en valeur extrêmement recherchée des soli de chaque pupitre. Toutes ces qualités, associées à celles héritées de l'ère Karajan, culminèrent dans une magnifique symphonie n°2 de Brahms, quasi idéale, vibrante, aux couleurs idéalement automnales, mais jamais lourde, jamais pesante, en perpétuelle progression narrative.

Un léger bémol cependant: là où la lecture force l'admiration, où le son impressionne (la fin de l'ouverture des Maîtres chanteurs, triomphale, avec un volume inouï), l'émotion n'affleure que rarement, elle ne va jamais au-delà de la beauté sonore, ce qui frustre un peu le spectateur. Là où un Jansons, un Ivan Fischer, un Salonen, un Gergiev des grands jours, savent donner le grand frisson, emporter loin le spectateur dans un univers, Rattle se contente (et c'est déjà beaucoup) d'une copie parfaite, à laquelle manque peut-être le plus important en musique: l'âme.

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