samedi 20 mars 2010

Le tour de Chopin (Krystian Zimerman, Salle Pleyel, 1er mars 2010)


  • Krystian Zimerman : piano

PROGRAMME

  • Frédéric Chopin
  • Nocturne n° 2, en fa dièse majeur, op 15
  • Sonate n° 2 pour piano en si bémol mineur, op 35
  • Scherzo n° 2 en si bémol mineur, op 31
  • Entracte
  • Frédéric Chopin
  • Sonate n° 3 pour piano en si mineur, op 58
  • Barcarolle en fa dièse majeur, op 60
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Quoi de plus évident que de fêter le bicentenaire de la naissance de Chopin, jour pour jour, par un récital du plus grand "chopiniste" polonais actuel, Krystian Zimerman? Saluons l'a-propos, une fois de plus, des programmateurs de la Salle Pleyel.
Ce à quoi personne ne s'attendait, pas même l'artiste, serai-je tenté de dire, était l'incroyable variété de l'interprétation de Zimerman, recouvrant absolument toutes les facettes du génie de Chopin, avec une différence incroyable entre la première et la seconde partie du concert.

Dès les premières notes du Nocturne n°2 op.15, Zimerman stupéfie par sa maîtrise technique, sa hauteur de vue, son phrasé élégant et en même temps très théâtral...la partie rapide intermédiaire est un pur moment de magie, avec des sons incroyablement doux, un toucher d'une délicatesse infinie. Pourtant, la douceur allait céder à la sécheresse, voire à la dureté, avec une implacable Sonate n°2, d'une nervosité, d'une rapidité, d'un caractère implacable, sans aucune concession. Même les parties lentes (dont la célèbre "Marche funèbre") étaient glaçantes, d'une lenteur incroyablement risquée (et réussie), et d'une tension continue, d'une force et d'un fatalisme exceptionnels. Pas de place pour l'espoir ici. Le public, subjugué, ovationne.
Le programme se poursuit dans le même esprit, avec la même dureté de toucher, le même sens du théâtre, la même force, dans un Scherzo n°2 quasi symphonique, dérangeant et puissant à la fois. Un petit bémol toutefois: le volume est tellement fort au départ que les crescendi rencontrent rapidement leur limite, ne pouvant monter plus haut.

A souligner un public d'une bêtise confondante, qui est heureusement tombé sur un Zimerman plutôt bien disposé (dans le cas contraire, il serait parti). Nous passerons sur les inénarrables quintes de toux bien bruyantes, surtout dans les moments de calme, voire de silence, cassant totalement l'atmosphère...ce furent surtout les applaudissements intempestifs d'un public après un accord parfait au bout d'une minute lors du Scherzo n°2 qui posèrent problème. Que le public ne connaisse pas la pièce, passe encore. Mais qu'il ne sache pas lire le programme indiquant "8 minutes" et applaudisse à peine au bout d'une minute, c'est très fort! Heureusement, Zimerman a bien pris la chose, se permettant même de provoquer le public lors de l'accord parfait suivant, lui faisant signe en souriant de ne pas applaudir, puis se permettant à la fin du morceau de faire durer le silence. Belle réponse à ces malotrus!

Après l'entracte, c'est un tout autre visage que montre le pianiste polonais. Finies les duretés, finie l'âpreté, place à une finesse exceptionnelle, à une vision lumineuse, rassérénée, d'une transparence et d'une douceur superbes, avec la Sonate n°3 dont le mouvement lent arrache les larmes, tant il est sublimement interprété. La Barcarolle évolue sur les mêmes cimes, avec une main gauche absolument parfaite, comme la voulait Chopin, un métronome, et une main droite chantante, délivrant un phrasé d'une élégance toute bellinienne.

En bis, la Valse op.64 n°2, marquée par le sceau de l'évidence.
Puissance, éclat, finesse, élégance, brillance, poésie, intériorité...Zimerman a bien fait le tour de Chopin, en l'espace d'une soirée.

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