mardi 6 avril 2010

Inégalité, mode d'emploi (Martha Argerich et le Festival de Lugano, salle Pleyel, 6 et 7 mars 2010)


Martha Argerich / Festival de Lugano I

Musique romantique

samedi 06/03 2010 20:00

  • Martha Argerich : piano
  • Akané Sakaï : piano
  • Lilya Zilberstein : piano
  • Nelson Goerner : piano
  • Geza Hosszu-Legocky : violon
  • Lyda Chen-Argerich : alto
  • Mark Drobinsky : violoncelle
  • Jean-Claude Gengembre : percussions
  • Camille Baslé : percussions

PROGRAMME

  • Ludwig van Beethoven
  • Quatuor avec piano en ut majeur Akané Sakai, Geza Hosszu-Legocky, Lyda Chen-Argerich, Mark Drobinsky
  • Manuel De Falla
  • Fantasia Baetica Nelson Goerner
  • Sergueï Rachmaninov
  • Suite pour deux pianos n°1 en si bémol majeur op. 5 Lilya Zilberstein, Martha Argerich
  • Entracte
  • Claude Debussy
  • Sonate pour violon et piano Geza Hosszu-Legocky - Akané Sakaï
  • Sergueï Taneiev
  • Prélude et fugue Lilya Zilberstein
  • Béla Bartók
  • Sonate pour deux pianos et percussions Sz 110 Martha Argerich, Nelson Goerner, Camille Baslé, Jean-Claude Gengembre

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Martha Argerich / Festival de Lugano II

Autour du tango

dimanche 07/03 2010 16:00

  • Martha Argerich : piano
  • Eduardo Hubert : piano
  • Gabriela Montero : piano
  • Alejandro Petrasso : piano
  • Geza Hosszu-Legocky : violon
  • Lyda Chen-Argerich : alto
  • Mark Drobinsky : violoncelle

PROGRAMME

  • "Soirée Tango"
  • Astor Piazzolla
  • Trio Verano Porteño de "Las Estaciones Porteñas“ Alejandro Petrasso - Geza Hosszu-Legocky - Mark Drobinsky
  • Alberto E. Ginastera
  • Pampeana n° 1 Geza Hosszu-Legocky - Eduardo Hubert
  • Mariano Mores
  • Taquito Militar Martha Argerich - Alejandro Petrasso
  • José L. Padula
  • 9 de Julio transcription Alejandro Petrasso Martha Argerich - Alejandro Petrasso
  • Improvisations
  • Gabriela Montero
  • Eduardo Hubert
  • Fauretango Eduardo Hubert - Geza Hosszu-Legocky - Lyda Chen-Argerich - Mark Drobinsky
  • Entracte
  • Astor Piazzolla
  • 3 Minutos con la realidad Martha Argerich - Eduardo Hubert
  • Libertango Martha Argerich - Eduardo Hubert
  • Oblivion Martha Argerich - Eduardo Hubert - avec la participation de Geza Hosszu-Legocky
  • Adaptations Eduardo Hubert
  • Alberto Ginastera
  • Pampeana n°2 Marc Drobinsky - Alejandro Petrasso
  • Julian Aguirre
  • Aires Criollos Transcription Eduardo Hubert Lyda Chen Argerich - Alejandro Petrasso
  • Improvisations / Gabriela Montera - Gezza Hosszu-Legocky
  • Astor Piazzolla
  • Milonga del Angel ou Vayamos al diablo Martha Argerich - Gabriela Montero
  • Muerte del Angel pour 2 pianos à 4 mains Transcription Eduardo Hubert Martha Argerich - Eduardo Hubert - Gabriela Montero - Alejandro Petrasso
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Ce week-end en compagnies d'une des artistes les plus énigmatiques et, osons-le, les plus géniales de notre temps, fut riche en contrastes, entre moments de grâce et moments sans intérêt, voire légèrement scandaleux pour un concert de ce niveau, dans une salle de ce niveau.
Saluons tout d'abord la générosité de Martha Argerich, soliste d'exception, qui a décidé un beau jour de ne plus se produire en solo justement, et de promouvoir les jeunes talents ainsi que le plaisir à partager des moments de musique de chambre entre collègues. De cette décision est née le festival de Lugano, qui se produit chaque été et remporte un grand succès, plutôt mérité et ne reposant pas seulement sur le nom d'Argerich.

Des moments de grâce, il y en eut donc, surtout lors du premier concert, consacré à la musique romantique. Le deuxième concert, "autour du tango", allait décevoir, nous en reparlerons.
Dans ce premier concert, ils furent au nombre de trois, trois moments inoubliables. Tout d'abord, l'entrée en scène de Martha Argerich, accompagnée de la très musicale Lilya Zilberstein, pour une Suite n°1 pour deux pianos très allante, d'une énergie extraordinaire, tourbillon d'émotions variées, formidable de musicalité, avec deux grandes techniciennes s'entendant à merveille. Ensuite, le très injustement méconnu Prélude et fugue de Taneiev, professeur de Rachmaninov, annonçant par sa modernité, notamment rythmiquement, Prokofiev et Chostakovitch, et interprété magistralement par Zilberstein, montrant un sens de l'architecture tout à fait passionnant. Troisième moment de grâce, peut-être le sommet de ce concert, la Sonate pour deux pianos et percussions de Bartok, monument de fougue, de vitalité, de virtuosité, d'un impact sidérant, où la star argentine était magnifiquement accompagnée de Nelson Goerner au piano, et des excellents Camille Baslé et Jean-Claude Gengembre aux percussions, d'une rigueur et d'une habileté forçant le respect.
Le reste du programme laissait plus partagé, entre une Fantasia Baetica de Manuel de Falla expédiée et martelée par un Nelson Goerner peu inspiré, souvent très sec de son, un quatuor de Beethoven et une sonate de Debussy handicapés par une Akané Sakai bonne technicienne mais un peu mécanique au piano, une Lyda Chen-Argerich (la propre fille de la grande Martha) trop discrète à l'alto, et un Mark Drobinsky timide et fâché avec la justesse au violoncelle, malgré le violon prometteur, assez poétique, nonobstant quelques petits sons couinés et craquements, de Geza Hosszu-Legocky.

Le deuxième programme, le dimanche après-midi, allait se montrer plus décevant cependant, la faute à un patent manque de travail, donnant des choses pas forcément très en place rythmiquement (ce qui ne pardonne pas du tout lorsqu'il y a deux pianos), voire carrément des séances de quasi-déchiffrage (ainsi, une pénible "Pampeana" n°1 de Ginastera). C'est d'autant plus dommage que le programme était plutôt très intéressant, mais il aurait nécessité du travail, comme tout autre concert "classique", ainsi que davantage d'homogénéité entre les musiciens (les spécialistes Petrasso et Hubert, ainsi que la géniale Argerich, n'arrivant pas à hisser à leur niveau des instrumentistes par ailleurs plutôt mal à l'aise dans ce répertoire). Un moment fort sympathique cependant: les improvisations de Gabriela Montero, tirant notamment "L'amour est un oiseau rebelle" vers le tango, avec brio.

Bilan mitigé et plutôt frustrant donc pour la venue de la Grande Martha à Paris.