mardi 26 octobre 2010

Un bel élan (Orchestre de Paris, dir.Paavo Järvi - Vadim Repin - Salle Pleyel, 13 octobre 2010)


  • Orchestre de Paris
  • Paavo Järvi : direction
  • Vadim Repin : violon

PROGRAMME

  • Paul Dukas
  • L'Apprenti sorcier
  • Dmitri Chostakovitch
  • Concerto pour violon n°1
  • Entracte
  • Sergueï Rachmaninov
  • Symphonie n° 2
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ELAN. Le nouvel élan de l'Orchestre de Paris, depuis l'arrivée de Paavo Järvi, se poursuit!
Pour commencer, un Apprenti sorcier de Dukas très volontaire, très dynamique, parfois un peu trop forte et clinquant, mais ne manquant ni d'enthousiasme ni de couleurs; davantage de contrastes, notamment vers la fin, eussent été bienvenus, mais ce sont vétilles par rapport à la prestation d'ensemble d'un orchestre à la cohésion prometteuse.

Avec le concerto n°1 de Chostakovitch, qu'il a déjà enregistré, Vadim Repin devait une revanche à mes oreilles (après une difficilement supportable Symphonie espagnole d'un certain Lalov - vous connaissez? Lalo dénaturé par un style très russe)! Revanche à moitié prise! Du côté du verre à moitié vide, toujours cette même propension à "savonner" légèrement au niveau de la justesse, ajoutée à un manque de rayonnement du son, de relâchement. Du côté du verre à moitié plein, l'interprète est assez idéal dans la rêverie inquiétante, toute en demi-teinte, du premier mouvement; sa technique à toute épreuve lui permet de passer les redoutables difficultés du concerto sans aucun problème; enfin, contrairement à la Symphonie espagnole de l'an dernier avec Chung, on sent une connaissance intime du répertoire et du style, et donc un idiomatisme nécessaire.

Après l'entracte, on reste en Russie, avec une 2e symphonie de Rachmaninov sans afféterie. Cette symphonie regarde beaucoup en arrière, notamment vers la Pathétique de Tchaïkovski (mais il est des modèles bien pires!), avec un sens mélodique quasi-lyrique très largement assumé par Järvi, dont la direction ne se limite pas à cet aspect. Le chef estonien montre son amour du contre-chant, de la mise en valeur de motifs intermédiaires, de couleurs et de détails subtils, et insuffle énormément de vie, et donc d'élan, dans cette symphonie qui mérite d'être jouer ainsi, sans la guimauve hollywoodienne dont elle a été trop souvent, et à tort, infligée.

Envoûtant (Passion, Théâtre des Champs-Elysées, 10 octobre 2010)


Livret de Pascal Dusapin (2008), avec la collaboration de Rita de Letteriis

Sasha Waltz création chorégraphique, mise en scène, décors


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Lui, Lei (elle), Gli altri (les autres). A première vue, Passion de Dusapin, chanté en italien, sans sous-titres (mais sans que cela ne gêne aucunement le spectateur), est placé sous le signe de l'épure. L'oeuvre est un mélange du mythe d'Orphée, et de madrigaux amoureux (on pense à ceux de Monteverdi - l'italien n'est pas anodin), où l'homme et la femme se poursuivent, se déclarent leur passion, souffrent, s'extasient, passent par tous les états de la passion en somme, mais en se rencontrant très peu. Sublime de bout en bout, la partition de Pascal Dusapin explore avec une finesse et une variété d'accents impressionnante, cette carte du coeur.
La chorégraphie de Sascha Waltz, au premier abord très austère, se révèle peu à peu inoubliable, incroyablement pénétrante de beauté, notamment lors d'un dernier tableau qui restera longtemps dans les mémoires, avec ces cendres noires que l'héroïne répand un peu partout sur scène...Puis c'est au tour d'une femme de créer une multitude époustouflantes de figures, avec des ballons (noirs, aussi) accrochés en tas dans son dos. On approche de la magie, de la créativité pure, et de l'épure absolu. Puis l'héroïne disparaît, à reculons, son visage est projeté en fond de salle, parcourant virtuellement un enchevêtrement de larges couloirs...Une des fins les plus émouvantes que l'on ait pu voir, car jamais la metteuse en scène-chorégraphe-décoratrice Sascha Waltz n'en rajoute dans une chorégraphie et une scénographies résolument moderne, sans afféterie, au diapason de la très subtile musique de Dusapin.
Performance non moins extraordinaire, les deux personnages principaux non seulement chantent merveilleusement, elle (Barbara Hannigan) avec des suraigus d'une pureté et d'une sûreté incroyables, lui (Georg Nigl) avec une palette de couleurs très variée; mais ils dansent parfaitement, se coulent dans la chorégraphie avec un professionnalisme qui laisse totalement pantois. Si bien que durant le spectacle, il ne fait aucun doute à personne que ces deux-là sont danseurs professionnels!

Subtilité, émotion, épure, profondeur: les ingrédients d'un moment absolument privilégié.