samedi 5 février 2011

Tchaïkovski redécouvert (Orchestre de Paris, dir.Frühbeck de Burgos - Arcadi Volodos - Salle Pleyel, 5 janvier 2010)


  • Orchestre de Paris
  • Rafael Frühbeck de Burgos : direction
  • Arcadi Volodos : piano

PROGRAMME

  • Piotr Ilitch Tchaïkovski
  • Concerto pour piano n° 1
  • Entracte
  • Piotr Ilitch Tchaïkovski
  • Symphonie n° 5
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REINVENTION. Osons le mot! J'avoue être arrivé Salle Pleyel avec beaucoup d'excitation ce soir-là, ayant encore dans les oreilles le choc absolu qu'avait constitué le disque Volodos plays Liszt. Arcadi Volodos est mal habillé, une chemise trop grande qui dépasse du pantalon, l'allure générale est un peu négligée, ses doigts sont un peu bouffis, ses mains petites...Mais voilà! Les grands artistes savent dépasser les contingences physiques, l'apparence aussi, pour se transfigurer et faire oublier au spectateur tout ce qui peut paraître important, voire primordiale, dans notre ère du tout visuel. Et ce soir-là, le concert est mémorable, avec tous les ingrédients possibles réunis: un grand soliste, un grand chef, des chefs d'oeuvre ré-inventés, une complicité exceptionnelle...

Jamais je n'ai vu telle entente, à tous les sens du terme, entre un soliste et un chef. Dès les premiers gestes du chef, le soliste est en symbiose avec lui...dès la première phrase du soliste, le chef l'accompagne, l'encourage musicalement, le suit...une impression de fusion exceptionnelle se dégage, dans un modèle d'interprétation pour le concerto n°1 de Tchaïkovski: la gestuelle ample, souple, la hauteur de vue du chef répond idéalement à un sens des nuances, des accents, des couleurs absolument inouïs chez le pianiste. Volodos, dans ce premier mouvement que l'on croit pour ainsi dire trop connaître, se promène, et promène l'auditeur avec lui! Aucune difficulté technique ne résiste à un pianiste d'une exceptionnelle finesse, mêlant idéalement personnalité et respect de la partition, élan et respect des nuances. Le deuxième mouvement est comme en apesanteur, le troisième extraordinairement souple et exaltant, sans jamais chercher l'effet facile, bien au contraire! Sous les ovations du public, Volodos effectue trois rappels (!) où il fait valoir une fois de plus son toucher hors du commun.

La suite du programme, moins "médiatique", ne fait pas pour autant retomber la qualité de ce concert, loin s'en faut. D'un geste très sûr, élégant, clair, Rafael Frühbeck de Burgos mène l'Orchestre de Paris vers des sommets de concentration et d'émotion, avec des tempi assez lents mais non exempts de souplesse, une sonorité dense et une probité stylistique de chaque instant, mettant idéalement en valeur la construction de la symphonie autour d'un "leitmotiv" décliné dans chaque mouvement, suscitant en permanence l'intérêt de l'auditeur. C'est un Tchaïkovski en définitive très "civilisé", très subtil, extrêmement savant, que l'on a dans l'oreille, moins passionnel, moins éperdu que chez un Mravinsky par exemple...mais l'optique se défend, et est magnifiquement défendue! Manifestement, le chef est très apprécié des musiciens de l'Orchestre de Paris, et l'on comprend aisément pourquoi!