jeudi 30 septembre 2010

"Bécassine au pays des santons"!

Merci à Télérama d'enfin dire tout haut ce qui s'est passé il y a juste un an à l'Opéra Garnier!

mercredi 29 septembre 2010

Déception (Boris Berezovsky, Salle Pleyel, 18 septembre 2010)



  • Boris Berezovsky : piano

PROGRAMME

  • Franz Schubert
  • Wanderer - Fantaisie en ut majeur D 760, op. 15
  • Sergueï Rachmaninov
  • Six Moments musicaux op. 16 (extraits) Moments 2, 4, 5, 6
  • Entracte
  • Nikolaï Medtner
  • Sonate op. 25 n° 2 "Le Vent nocturne"
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Boris Berezovsky était-il légèrement souffrant? Cette interrogation m'a traversé l'esprit, tant j'ai trouvé le pianiste russe peu à son aise, comme ailleurs par moments, pendant ce concert.

Le style schubertien, la légèreté, la transparence, étaient absents d'une Wanderer-Fantasie quelque peu pachydermique, noyée sous un abus de pédale gauche, trop dramatique, tirant trop vers Beethoven - était-ce vraiment un service à rendre à cette oeuvre?
La suite allait voir Berezovsky davantage dans son élément, avec quelques Moments musicaux de Rachmaninov; cela ce sent dès le n°2, où le pianiste fait preuve d'une belle clarté structurelle, et se montre plus à l'aise dans les passages de révolte que dans les passages plus élégiaques; le n°4 fait valoir sa formidable main gauche; quant au n°5, s'il est un peu expédié et manque d'intériorité, il ne manque pas d'atouts, avec de belles sonorités cristallines et une mise en valeur fort à propos des originalités harmoniques vers la fin; le n°6 est dense, touffu, triomphal, le pianiste construit une monumentale cathédrale sonore, mais manque son rendez-vous avec la rêverie de la partie intermédiaire, tout en commettant quelques approximations.

Après l'entracte, Berezovsky, partition sous les yeux, réussit la gageure de restituer l'unité d'une oeuvre incroyablement complexe, la sonate op.25 n°2 de Nikolaï Medtner, enchevêtrement enchaîné de mouvements, de couleurs, d'accents, de sonorités proches d'un Rachmaninov, et bien restituées. Cependant, à aucun moment, l'émotion n'affleure, et l'on ne dépasse que rarement le stade de la prouesse technique.

Le décalage entre les réactions du public et l'attitude de l'artiste (manifestement pressé d'en finir; d'ailleurs, il ne jouera aucun rappel) confirme mon impression de malaise, symbole de la déception que peut apporter un grand nom.

De la belle ouvrage (Eliahu Inbal - Marc Coppey - Salle Pleyel, 17 septembre 2010)

Orchestre Philharmonique de Radio France - Eliahu Inbal - Marc Coppey

vendredi 17/09 2010 20:00

  • Orchestre Philharmonique de Radio France
  • Eliahu Inbal : direction
  • Marc Coppey : violoncelle

PROGRAMME

  • Robert Schumann
  • Manfred op.115 Ouverture
  • Manfred op.115 Entracte, Ranz des Vaches et Apparition de la fée des Alpes
  • Marc Monnet
  • Sans mouvement, sans monde L'Adieu au monde, à Robert Schumann commande de Radio France, création
  • Entracte
  • Richard Strauss
  • Symphonie alpestre
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Il est des chefs qui poursuivent une carrière discrète, à l'abri des projecteurs et des appétits voraces des majors du disque, mais n'en sont pas moins estimés des connaisseurs. Eliahu Inbal est de ceux-là. Son intégrale des symphonies de Mahler dans les années 1970 est d'ailleurs reconnue comme une des références, dans une discographie pourtant abondante et marquée par de grands noms. A propos de grands noms, un me revient souvent à l'esprit lors de ce concert: Sergiu Celibidache. Les tempi adoptés sont amples, majestueux, mais résumer le chef roumain, et Inbal, à cela, serait extrêmement réducteur. Tout d'abord, un tempo lent est totalement vide s'il n'y a ni tension interne ni poésie. Là, nous avons les deux: une ouverture de Manfred sans concession, sombre, implacable, fait place à des extraits d'une élégance et d'une poésie miraculeuses; nous retiendrons le magnifique solo de hautbois du "Ranz des Vaches", ainsi que la légèreté sautillante de l'apparition de la fée des Alpes. Des liens tout trouvés avec la fin du programme.

Des liens, le programme, exemplaire de cohérence, n'en manquait pas. En effet, avait lieu une création mondiale en hommage à Robert Schumann, Marc Monnet, le compositeur, voulant bâtir un "concerto" moderne, en regard de celui de Schumann, sans toutefois donner au violoncelle solo l'importance fondamentale qu'il revêt dans le concerto romantique. Comme Schumann cependant, c'est l'éclatement des formes qui intéresse Monnet: 10 mouvements, ou plutôt "fragments", "esquisses", enchaînés dans l'oeuvre de Monnet, quand les 3 mouvements du concerto de Schumann sont enchaînés et comme fondus en un seul mouvement. Comme le Schumann du Concerto pour violoncelle et de Manfred, il y a chez Monnet peu de place pour l'espoir. Sans mouvement, sans monde parle d'un monde fragmenté, détruit par sa complexité et ses contradictions, par la folie des hommes aussi, ce que rend parfaitement compte une musique pessimiste, lancinante, peinant parfois à se renouveler, hommage à Schumann mais aussi à Berg et Ligeti. Le violoncelle n'est plus le soliste romantique qui épate la galerie, mais il n'en faut pas moins une technique remarquable pour rendre justice à la partition: Marc Coppey conjugue cette qualité à une très fine sensibilité et une humilité de chaque instant, idéalement accompagné par un Inbal attentif au moindre détail.

Le programme boucle la boucle, en retournant dans les Alpes, avec la très évocatrice Alpensymphonie de Strauss, monument d'une heure environ qui évoque une journée dans les Alpes, avec l'ascension d'un sommet et sa descente, avec de nombreux contrastes liés aux éléments naturels qui parfois se déchaînent (l'orage) et parfois servent de cadre à la méditation poétique (la nuit, le coucher du soleil...). Les pièges d'une telle partition sont nombreux: le côté pompier, la trop grande fragmentation des scènes (qui au contraire doivent s'enchaîner presque imperceptiblement)...Inbal n'y tombe absolument pas, livrant une lecture "amoureuse" de la partition, en révélant les subtilités, la veine mélodique, la poésie, l'unité, plutôt que les forts contrastes, parfois au détriment de piani qu'on aurait aimé encore plus marqués, notamment à la fin...Ce fut cependant une lecture d'une grande probité et d'une grande hauteur de vue.