mardi 26 octobre 2010

Envoûtant (Passion, Théâtre des Champs-Elysées, 10 octobre 2010)


Livret de Pascal Dusapin (2008), avec la collaboration de Rita de Letteriis

Sasha Waltz création chorégraphique, mise en scène, décors


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Lui, Lei (elle), Gli altri (les autres). A première vue, Passion de Dusapin, chanté en italien, sans sous-titres (mais sans que cela ne gêne aucunement le spectateur), est placé sous le signe de l'épure. L'oeuvre est un mélange du mythe d'Orphée, et de madrigaux amoureux (on pense à ceux de Monteverdi - l'italien n'est pas anodin), où l'homme et la femme se poursuivent, se déclarent leur passion, souffrent, s'extasient, passent par tous les états de la passion en somme, mais en se rencontrant très peu. Sublime de bout en bout, la partition de Pascal Dusapin explore avec une finesse et une variété d'accents impressionnante, cette carte du coeur.
La chorégraphie de Sascha Waltz, au premier abord très austère, se révèle peu à peu inoubliable, incroyablement pénétrante de beauté, notamment lors d'un dernier tableau qui restera longtemps dans les mémoires, avec ces cendres noires que l'héroïne répand un peu partout sur scène...Puis c'est au tour d'une femme de créer une multitude époustouflantes de figures, avec des ballons (noirs, aussi) accrochés en tas dans son dos. On approche de la magie, de la créativité pure, et de l'épure absolu. Puis l'héroïne disparaît, à reculons, son visage est projeté en fond de salle, parcourant virtuellement un enchevêtrement de larges couloirs...Une des fins les plus émouvantes que l'on ait pu voir, car jamais la metteuse en scène-chorégraphe-décoratrice Sascha Waltz n'en rajoute dans une chorégraphie et une scénographies résolument moderne, sans afféterie, au diapason de la très subtile musique de Dusapin.
Performance non moins extraordinaire, les deux personnages principaux non seulement chantent merveilleusement, elle (Barbara Hannigan) avec des suraigus d'une pureté et d'une sûreté incroyables, lui (Georg Nigl) avec une palette de couleurs très variée; mais ils dansent parfaitement, se coulent dans la chorégraphie avec un professionnalisme qui laisse totalement pantois. Si bien que durant le spectacle, il ne fait aucun doute à personne que ces deux-là sont danseurs professionnels!

Subtilité, émotion, épure, profondeur: les ingrédients d'un moment absolument privilégié.


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