dimanche 17 octobre 2010

Nono décalée (Nono, Théâtre de la Madeleine, 7 octobre 2010)


Avec
Julie Depardieu
Michel Fau

Xavier Gallais
Brigitte Catillon

Sissi Duparc, Roland Menou,
Davy Vetter

Mise en scène de Michel Fau
Costumes, David Belugou
Décors
Bernard Fau,
Lumière
Joël Fabing
Maquillages Pascale Fau

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Un décor de carton-pâte (Bernard Fau), de magnifiques costumes Belle Epoque (David Belugou), des lumières crues (Joël Fabing)...A première vue, en faisant un "instantané" sur ce que l'on voit sur scène, on pourrait se croire à la création de l'oeuvre, tout au moins dans une reconstitution! Il n'en est rien, et c'est tout le talent de Michel Fau, qui met en scène et se met en scène, d'utiliser un cadre "classique" pour mieux en jouer, pour mieux le détourner, le malmener même (certaines entrées et sorties), et le confronter à un jeu décalé.

Tout est bien ficelé dans cette pièce écrite par un Guitry de 19 ans: l'intrigue, les dialogues, avec leur dose d'impertinence et de mysoginie. Nono, cocotte entretenue par Jacques, est confiée à son meilleur ami Robert, qui en tombe évidemment amoureux, part avec elle, et est lui-même poursuivi par son (ancienne?) amante Madame Weiss. Les retrouvailles de tout ce petit monde donneront lieu à des situations cocasses, comme on peut l'imaginer. Sous une intrigue simple, qui respecte totalement les canons du vaudeville (A aime B qui aime C qui est aimée par D, etc.), affleure un questionnement sur la femme-fantasme, la liberté, le rapport à l'argent...

En effet, Nono est-elle simplement une cocotte écervelée, ou sait-elle parfaitement ce qu'elle fait? C'est tout le talent de Julie Depardieu qui se déploie devant nous, mélange de naturel et de sophistication, de légèreté et de volonté, d'inconscience et de conscience...qui d'autre pour faire croire à une personnalité si insaisissable? A ses côtés, Michel Fau sculpte le texte avec le phrasé musical qu'on lui connaît, donnant l'illusion de ne pas jouer, mais jouant constamment, et renouvelant son jeu en permanence. Xavier Gallais est irrésistible d'élan juvénile, et Brigitte Catillon en amante contrariée, grande dame constamment au bord de la vulgarité, est parfaite. La distribution est parfaite jusque dans ses petits rôles, avec Roland Menou, serveur devenu majordome à la gestuelle incroyablement individuelle, Sissi Duparc, toujours aussi désopilante, et le prometteur Davy Vetter, grimé comme un mort, qui fait une entrée remarquée. A cet égard, les maquillages outranciers de Pascal Fau sont remarquables.

D'où vient une (très très) légère sensation d'inachevé? Personnellement, je l'ai ressentie dans la trop grande hétérogénéité des jeux de chaque comédien: du faussement naturel (Julie Depardieu) au naturel sophistiqué (Michel Fau), au décalé (les petits rôles), en passant par du très théâtral (Xavier Gallais) et du très sobre (Brigitte Catillon), une palette impressionnante (trop grande?) de façons de jouer est sous nos yeux. C'est très certainement une volonté du metteur en scène, de demander à chacun d'aller plus loin dans sa direction...mais du coup, comment ces personnages peuvent-ils se rencontrer, interagir de façon non-artificielle, non plaquée? Nous atteignons peut-être les limites du "tout décalé". Pour autant, cette Nono au théâtre de la Madeleine est un délicieux moment.



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