vendredi 15 octobre 2010

Così fan tutti i cantanti? (Così fan tutte, version de concert, dir.René Jacobs - Salle Pleyel, 27 septembre 2010)


  • Freiburger Barockorchester
  • Coro Gulbenkian
  • René Jacobs : direction
  • Alexandrina Pendatchanska : Fiordiligi
  • Marie-Claude Chappuis : Dorabella
  • Sunhae Im : Despina
  • Johannes Weisser : Guglielmo
  • Magnus Staveland : Ferrando
  • Marcos Fink : Don Alfonso
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Après une Flûte enchantée qui, par son hystérie baroqueuse désordonnée et ses inepties musicales, m'avait paru hors de propos, c'est avec une crainte certaine que j'appréhendais ce Così, pourtant l'opéra de Mozart dont on dit qu'il convient le mieux à René Jacobs.

Ces dires se sont immédiatement vérifiés, après des premiers accords m'ayant fait craindre le pire: fine, équilibrée, spirituelle, avec ce qu'il faut de dérision, sans déroger à l'élégance mozartienne, et avec une attention au chant de chaque instant, ainsi qu'un vrai sens théâtral, la direction de Jacobs est plus qu'intéressante, surtout à l'acte I, où la mise en place, l'articulation entre les airs et les récitatifs (merveilleusement travaillés et accompagnés) frise la perfection; quelques petits soucis (dès les cuivres de "Come scoglio", mais surtout à l'acte II) par la suite n'entacheront pas la superbe prestation de René Jacobs et du Freiburger Barockorchester, compagnon idéal et enthousiaste.

A l'heure où certaine scène parisienne se distingue par sa frilosité théâtrale, il est bon d'assister à une version de concert où le théâtre est omniprésent, dans l'orchestre, dans les récitatifs, et chez les chanteurs, qui il faut dire appartiennent à une génération où "jouer" est aussi important que "chanter". Ainsi, chacun est parfaitement dans son personnage, la mécanique théâtrale implacable de Così peut se mettre en place de la façon la plus naturelle qui soit, sans que la compréhension du spectateur ne soit altérée, bien au contraire. Que tous les protagonistes de ce concert en soient salués et remerciés, avec une mention spéciale pour la truculente Sunhae Im, irrésistible de drôlerie en Despina.

C'est côté chant, malheureusement, que les choses se gâtent; le verbe est choisi à dessein, car les choses commencent particulièrement bien. Johannes Weisser paraît même une vraie révélation dans la première partie, timbre chaleureux, rayonnant, belle musicalité, classe. Alexandrina Pendatchanska, pourtant annoncée souffrante, et Marie-Claude Chappuis, par leur timbre charnu, se complètent idéalement. Quant à Sunhae Im, non seulement elle fait le spectacle, mais sa prestation est vocalement probante. Un cran en-dessous, Marcos Fink, qui compense une perte des moyens, notamment dans l'aigu, par un métier et une humanité non-négligeables. Quant à Magnus Staveland, sans être inoubliable, il est satisfaisant en Ferrando. Si la machinerie théâtrale tient la distance, la machinerie vocale, après de merveilleux moments (l'enchaînement des ensembles au début du I, un trio "Soave sia il vento" sur le fil...), se grippe irrémédiablement: rarement je n'ai vu concert où les voix s'engament presque toutes, à l'exception de Sunhae Im. Weisser, après avoir démarré très (trop?) fort, récolte les fruits de quelques forçages, et son registre aigu se dérobe, part en arrière. Pendatchanska est vite rattrapée par son état de santé, qui la préoccupe et se répercute sur sa manière de chanter, qui devient d'un coup très tendue, notamment lors des aigus filés de "Per pietà, ben mio", au bord de l'accident et du renoncement. Marie-Claude Chappuis a un autre problème: sa belle voix large et charnue n'arrive pas toujours à bien se couler dans le moule mozartien. Ainsi se succèdent parfois quelques sons grossis et inégalités de registre. Magnus Staveland se retrouve lui aussi au bord de l'accident dès "Un'aura amorosa", par la faute d'une technique bizarre qui le contraint à trop appuyer sur la gorge et à serrer dans l'aigu; les difficultés continuent naturellement à l'acte II: heureusement que l'air "Ah! lo veggo" n'est pas interprété. Marcos Fink accuse de la fatigue également sur la fin. Alors, fatalité? "Così fan tutti i cantanti?" (ainsi font tous les chanteurs?) Toujours est-il que l'acte II fut vocalement plutôt pénible.

Finissons sur une note plus positive, pour souligner l'admirable prestation du Coro Gulbenkian, percutant, en place, insolent vocalement, composé de jeunes éléments talentueux dont, à coup sûr, certains auraient pu remplacer avantageusement quelques titulaires du soir...propulsés un peu trop vite?

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