vendredi 15 octobre 2010

Enfin prophète en son pays? (Orchestre de Paris, dir.Bertrand de Billy - Salle Pleyel, 22 septembre 2010)

      • Orchestre de Paris
      • Bertrand de Billy : direction
      • Susan Graham : mezzo-soprano

      • PROGRAMME

      • Anton Webern
      • Im Sommerwind
      • Ernest Chausson
      • Poème de l'amour et de la mer
      • Entracte
      • Henri Dutilleux
      • Mystère de l'instant
      • Robert Schumann
      • Symphonie n° 4

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      Cette soirée du 22 septembre promettait une rencontre assez intéressante entre une phalange entrant dans une nouvelle ère, et un chef français bien plus connu et apprécié à l'étranger, à Vienne notamment, que dans son propre pays. La rencontre n'allait pas décevoir, bien au contraire, si bien que l'on peut raisonnablement se poser la question suivante: comment la France peut-elle aller jusqu'à ignorer l'existence d'un tel talent?

      En une soirée, il fallait également que Bertrand de Billy se décrive, avec un programme lui correspondant: tour à tour viennois (Webern), français (Chausson, Dutilleux), allemand (Schumann), surtout moderne ET contemporain.

      Dès les premières notes pianissimo de Im Sommerwind, de Webern, on admire cette extrême précision, cette concentration de chaque instant, l'importance donnée à la transparence orchestrale, notamment du côté des cordes, ce sens de l'architecture d'une pièce, et ce style si viennois, dans les accentuations, les phrasés, les couleurs.

      Le tour de force continue dans le magnifique Poème de l'amour et de la mer de Chausson, où les vagues orchestrales s'entremêlent avec la magnifique voix d'une Susan Graham en pleine forme. La voix est insolente, magnifiquement projetée, le texte est compris et intégré de la façon la plus intelligente qui soit, et le sens du phrasé fait le reste. Sur un tapis sonore luxueux voire luxuriant (il faut voir la façon dont de Billy relance les phrases où l'orchestre est seul), l'émotion naît quasi automatiquement, pour culminer dans un dernier volet, "la Mort de l'amour", jusqu'au boutiste et nostalgique. La salle salue la performance d'une ovation méritée pour les deux principaux protagonistes.

      Bertrand de Billy a beaucoup fréquenté l'oeuvre de Dutilleux, donnant notamment à Vienne une intégrale de ses oeuvres pour orchestre. Le moins que l'on puisse dire, est que cela s'entend immédiatement dans ce merveilleux Mystère de l'instant, enchaînement de dix pièces, qui sont autant d'"instantanés" dans l'atelier de l'artiste, d'esquisses. Là encore, la précision, la concentration, l'élan sans aucune affectation, la poésie, la finesse, sont au rendez-vous.

      L'exécution de la symphonie n°4 de Schumann m'a légèrement laissé sur ma faim. Force est de constater que l'orchestre est une nouvelle fois magnifiquement en place, la direction extrêmement précise et affûtée, l'équilibre des plans sonores parfait...Mais...A mon sens, le parti-pris frise le contre-sens. Tout d'abord, Bertrand de Billy dirige par coeur, en souriant, ce qui me paraît difficilement conciliable avec l'atmosphère pesante, tendue, de cette symphonie, dont seul le dernier mouvement surnage d'une inquiétude sourde. Ensuite, les tempi adoptés me paraissent trop rapides, ne laissant justement pas le temps à l'inquiétude et à l'émotion d'affleurer. Enfin, le dernier mouvement est prétexte à une démonstration de virtuosité orchestrale certes assumée et réussie (la "strette" finale est éblouissante), mais on se demande ce qu'elle vient faire dans une musique aussi profonde que celle de Schumann, dont ce n'est à mon sens pas le propos. Qu'à cela ne tienne, cela déclenche les acclamations du public, et me laisse à la fin de ce concert sur un sentiment d'inachevé, car tout était indiscutablement magnifique avant ce Schumann où la mariée était trop belle!

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